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Dossier « Enseignement, informatique, TIC et société »

vetois, Jean-Pierre Archambault Version imprimable de cet article Version imprimable

Le contexte éducatif de l’informatique et des TIC a évolué à la rentrée 2012 avec la création en Terminale S d’un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » (ISN). L’informatique est (re)devenue discipline scolaire dans l’enseignement scolaire : il s’agit d’un changement de paradigme

Rappelons qu’il existait dans les années 80 et 90 une option informatique d’enseignement général dans les lycées. En voie de généralisation, elle fut supprimée en 1992, rétablie en 1995 puis à nouveau supprimée en 1998. Le contexte va continuer à évoluer. En effet, une expérimentation est lancée à la rentrée 2013 dans l’académie de Montpellier pour proposer à tous les élèves de terminale l’option « Informatique et sciences du numérique » ; puis ce sera la généralisation à toutes les options de classe de terminale de l’enseignement général et technologique à la rentrée 2014 ; la rentrée 2013 voit également la mise en place d’un enseignement d’informatique pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques.

Ces évolutions sont le fruit d’initiatives prises ces dernières années par différents acteurs pour qui former au 21ème siècle l’homme, le travailleur et le citoyen, lui donner la culture générale correspondant aux besoins d’une société où le numérique est omniprésent passe nécessairement par une discipline informatique, l’informatique étant au numérique ce que la biologie est au vivant et la physique à l’industrie de l’énergie. Et loin d’opposer usages du numérique et enseignement de la science et technique informatique, ils affirment leur complémentarité et leur renforcement mutuel.

Elément du paysage, en avril 2013, l’Académie des Sciences a adopté un rapport en faveur de l’enseignement de l’informatique : « L’enseignement de l’informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre ». Elle se prononce pour un enseignement à tous les élèves au collège et au lycée après une sensibilisation à l’école primaire.

Une question importante reste à régler dans un contexte en mouvement, la formation des professeurs d’informatique au lycée et au collège, à l’instar de ce qui se fait pour les autres disciplines, à savoir un Capes et une agrégation d’informatique. En effet, il faut faire face au nombre : tous les élèves sont concernés par cet enseignement de culture générale. Une forte demande de formation est en train de naître au moment où l’informatique est introduite dans les classes préparatoires scientifiques. Les professeurs des écoles pourraient eux passer une certification dans les ESPE. Pendant une période transitoire, la formation continue doit, d’une manière complémentaire, aussi faire office de formation initiale pour permettre une montée en charge progressive.

Mais cet enseignement de la « science informatique » à tous les niveaux du cursus des élèves au moins dans les lycées qui présente des aspects positifs par rapport à la situation précédente, n’est pas sans poser quelques problèmes. Les tentatives précédentes, après la suppression en 1998 de l’option d’enseignement général des lycées, axées exclusivement sur les usages du numérique et l’utilisation de logiciels pédagogiques dans les autres disciplines, ne fournissaient pas une compréhension profonde des systèmes utilisés (ce qui était normal car ce n’était pas leur raison d’être sur le plan pédagogique). Et bien souvent, les élèves ne retenaient que les aspects superficiels des interfaces mises à leur disposition. L’enseignement théorique et pratique de la programmation, qui est à la base de la « science informatique » peut-il motiver les élèves ? Une minorité sans doute qui se passionne déjà pour cela mais la masse des élèves ? Il n’est pas sûr que l’on puisse aisément les intéresser de la sixième à la terminale à des cours et des exercices qui risquent d’être assez répétitifs d’une année sur l’autre. D’où l’importance des projets favorisant activité et interactivité, de nature à diversifier la pédagogie. Il y aura là un vrai défi à relever pour les enseignants .

Alors que l’utilisation des réseaux sociaux occupent une place de plus en plus importante dans la vie des jeunes, une formation scientifique et technique suffit-elle à éviter les dérives que nous observons aujourd’hui (comme une certaine tendance à l’exhibitionnisme médiatique) ? Pour reprendre une métaphore mathématique, on peut dire que c’est peut-être une condition nécessaire mais hélas loin d’être suffisante. Quelle place pour les développements sur les rapports entre les TIC et la société ? Comment apprendre à gérer ses « données personnelles » ? Cela aussi doit aussi faire partie du cursus des élèves et assez tôt dans leur scolarité de façon qu’ils intègrent les bons réflexes vis-à-vis de la masse des informations auxquelles ils auront accès. La pédagogie de projet peut fournir un cadre adapté pour répondre à ces questions.

Il reste enfin le problème abordé dans un précédent numéro de Terminal1 et sur lequel nous ne reviendrons pas dans ce dossier mais qui devient de plus en plus prégnant au fil des rentrées. Le eLearning semble s’imposer dans l’offre de formation au niveau des universités et des grandes écoles mais aussi dans les établissements privés. Allons nous vraiment vers un bouleversement des modes d’éducation ? La crise que traversent ceux-ci boostera-t-elle des réalisations et des expérimentations significatives ? L’industrialisation de la formation, comme nous l’avons annoncé dans le dossier précédent est-elle réellement en marche ?

Ce dossier pourra sembler déséquilibré au profit de l’aspect « informatique comme science ». Il reflète l’état de la réflexion en France menée par une partie de la communauté informatique qui s’est battue depuis des années pour une reconnaissance de leur discipline. Nous ne devons pas oublier que la crise de l’école est une réalité comme le montrent les mauvais résultats obtenus par notre pays dans les classements internationaux qui malgré leurs limites sont une indication de la dégradation des conditions d’enseignement aujourd’hui. Et donc, poursuivre le travail d’analyse sur le rôle que peuvent jouer les technologies numériques dans la société et l’école est une nécessité.

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