Les rôles des médias dans la constitution de l'opinion et de l'action publiques.


J. Vétois


A l'instigation de son animateur, Antoine Spire, lui même journaliste, cette table ronde a pris la forme d'un débat médiatisé, rompant délibérément avec la forme classique et habituelle du colloque de style universitaire. Le rôle des médias dans la société actuelle ne laisse personne indifférent. Aussi, il est normal - après coup - qu'elle se soit déroulée différemment des autres.

Antoine Spire avait défini sept thèmes de débat. Première remarque: finalement trois grandes questions ont vraiment polarisé la discussion. Les interventions issues de la salle ne sont sans doute pas pour rien dans le fait que la discussion soit revenue à plusieurs reprises sur le premier thème lancé d'une façon un peu provocatrice par Antoine Spire : "On a les médias que l'on mérite". Deuxième remarque avant d'aborder le fond des débats : une réelle connivence s'est établie entre l'animateur de cette table ronde, Antoine Spire, et Daniel Bougnoux partageant souvent des analyses voisines face à des positions plus "radicales" représentées par Henri Maler de l'Acrimed. Loïc Blondiaux s'est cantonné finalement dans le registre de l'analyse universitaire plus classique et moins polémique.

Il est évident que le premier thème énoncé "on a les médias que l'on mérite" a joué le rôle du chiffon rouge pour une partie de la salle qui a salué plusieurs fois, par des applaudissements, l'opposition franche d'Henri Maler à ce qui apparaissait à certains comme une renonciation par avance à toute critique de gauche de l'appareil médiatique, voire à toute analyse indépendante. La thèse d'Antoine Spire, reprise par Daniel Bougnoux, selon laquelle "les médias ne sont pas à l'origine d'une action idéologique ou politique, mais en sont plutôt une résultante", tend-elle à légitimer les médias ou plutôt à valoriser l'action syndicale et politique extra-médiatique pour agir sur le système médiatique lui-même ?

La deuxième question abordée "Les médias font-ils l'opinion ? " est effectivement, comme le dit Loïc Blondiaux, un sujet rebattu en sociologie des médias, mais rarement traité au fond, et on peut multiplier les exemples et les enquêtes d'opinion prouvant que les médias ne fabriquent pas le jugement du public sur les problèmes de société ou plus prosaïquement n'ont que peu d'influence mesurable sur les résultats électoraux. Mais effectivement, comme le suggère Henri Maler, la prétention des médias dominants à se poser en arbitre des débats qu'ils considèrent comme importants pose problème en terme de débat démocratique et de légitimité.

Enfin, un consensus s'établit plus facilement sur les relations entre le pouvoir politique et les médias avec leur cortège de "petites phrases", avec les passages à l'émission de Michel Drucker et le désintérêt de plus en plus affiché par l'opinion générale envers les débats proprement politiques. "Le temps politique n'est pas celui des médias" comme l'affirme Daniel Bougnoux et la question d'Henri Maler "comment contenir sans interdire l'ingérence du pouvoir médiatique dans l'espace démocratique ? " reste posée. On parle facilement d'une crise de confiance qui traverserait les médias de masse. A quel prix et dans quelles conditions pourrait on raviver cette confiance ?

Un regret seulement après cette table ronde, c'est qu'elle soit restée centrée sur les médias de masse, ne prenant pas en compte (ou trop peu) l'émergence de médias participatifs comme les a appelés Jean-Louis Weissberg.