Internet et la d?mocratie Herve Le Crosnier
La question des relations conflictuelles entre le développement de l'Internet et l'extension de la démocratie est un vaste sujet que l'on ne peut évidemment faire qu'effleurer dans une présentation succinte.
On essaiera donc de présenter quelques points, à la manière d'un survol :
- la mise en réseau et son impact sur le travail, et notamment le droit du travail
- la formation permanente et la société de l'information
- les nouveaux modes de débats que permet le réseau : débats centrés sur les problèmes, relations hybrides
- les relations médiées et les relations en présence physique : l'enjeu d'une nouvelle citoyenneté
- l'égalité dans les offres de service
- le respect de la vie privée (spamming, messages offensifs, banques de données sur les personnes, télémédecine)
- la constitution d'un marché mondial
- l'accès démocratique à la connaissance : création d'institutions-relais et achat collectif de l'information
- le rôle de l'information officielle dans le développement de la citoyenneté
- l'amélioration des relations entre l'administration et le public ?
- la question de l'information comme bien public nécessaire à la démocratie
- les modèles de paiement de l'information : une économie de rente ou une économie de solidarité
- éviter la fracture info-riches et info-pauvres.
travail à distance
Depuis son origine, l'informatique est conçue pour améliorer la productivité du travail. Avec le réseau apparaît un nouveau rôle : élargir la distribution et la connaissance, créer un nouveau média,... ce qui d'évidence ne peut qu'apporter la création d'emplois et de métiers nouveaux. La balance à trouver entre les emplois supprimés ou délocalisés et les emplois émergents est difficile à établir, les divers rapports ne citant que les seconds (1). Avant donc d'aborder la question de l'expansion de l'accès à la connaissance permise par l'Internet, il convient de rappeler les enjeux pour le travail et le droit du travail.
Plusieurs points sont mis en avant par les promoteurs de l'infrastructure réseau :
- le télétravail qui permettrait de combiner une activité salariée et des horaires flexibles. Ce qui est en jeu, c'est la définition du "contrat de travail". Les télétravailleurs vont devenir des individus isolés, payés "à la tâche" et responsables de leur propre matériel de travail. C'est un recul sur le droit traditionnel du travail, qui incorpore dans le "contrat de travail" autre chose qu'un contrat de services : prise en compte des à-côtés de l'espace-temps du travail, comme les congés, la santé (médecine du travail), la solidarité (lois de 1968 sur la section syndicale d'entreprise, développement des comités d'entreprise...), et même la préparation à la rupture programmée du contrat de travail (retraite, licenciement avec indemnités,...). Toutes ces caractéristiques du contrat de travail ne s'appliqueraient plus à un travail "au contrat". Sans parler de l'isolement du télétravailleur, qui n'appartiendrait plus à une collectivité de travail.
- la mondialisation de la force de travail : le télétravailleur pourrait se connecter à son travail depuis n'importe quel point du monde-réseau, ce qui tend à aligner les contrats sur les possibilités offertes par les mains-d'oeuvre les moins remunérées. Cela concerne tous les travaux de secrétariat, de programmation, toute l'activité technique qui se traduit par un document numérique (2).
Ces deux points montrent que le réseau a un impact sur des éléments d'organisation de la société établis depuis longtemps. Le réseau n'est pas explicatif, mais participe d'un débat plus général (ce que l'on nomme le néo-libéralisme). Il permet cependant l'implémentation de modèles techniques pour des décisions d'ordre politique et économique plus générales.
L'éducation permanente
Quand le matériau utilisé par l'économie devient l'information elle-même, il convient d'accorder une place de plus en plus importante à la formation permanente. Le réseau informatique pose là de nouveaux enjeux que nos sociétés doivent résoudre dans un sens démocratique. Car sans intervention consciente, la logique d'un "marché mondial de l'information" orienterait le débat vers la maîtrise des outils et des services, donc de l'information sensible, par une minorité de plus en plus faible et "déconnectée" de la société. Quand on voit ce qui se passe dans l'industrie automobile qui cherche à se débarrasser des travailleurs de plus de 50 ans, on peut craindre les conséquences de la société branchée sur l'emploi et la durée du travail. L'univers numérique est en évolution très rapide. Les savoir-faire sont en permanence remis en cause. A quel âge sera-t-on devenu des internautes improductifs pour "les gens pressés ?"
La question de la formation permanente vient donc au centre d'un débat sur l'enjeu démocratique de l'Internet :
- formation de base, qui comprend la propédeutique du clavier et de l'écran. Le fonctionnement des ordinateurs impose un modèle d'abstraction qui reste difficile à acquérir. Deux actions vont dans le sens d'une meilleure utilisation : la formation de tous aux bases de l'utilisation des ordinateurs, et l'amélioration des logiciels, visant à les rendre plus "conviviaux".
- formation permanente pour permettre de suivre les évolutions. Les lieux de cette formation permanente vont évoluer rapidement. L'entreprise va devenir un lieu de formation, la maîtrise de l'environnement réseau imposant de nombreuses heures passées en formations et réflexions. C'est d'ailleurs ce qui se passe déjà pour les cadres, qui intègrent les moments de "navigation" dans leur temps de formation : indispensable, mais très chronophage.
Or ces enjeux ne peuvent procéder que d'une volonté consciente et délibérée, sauf à remettre aux seules personnes déjà nanties d'une approche de l'informatique et des réseaux les moyens de maintenir leur savoir.
L'école est concernée, mais les investissements nécessaires pour permettre cet apprentissage sont lourds et doivent être initialisés maintenant, même si les résultats seront assez longs à se faire jour. Les résultats du Plan Informatique Pour Tous de 1985 ont pu être mesurés dix ans après, malgré les sarcasmes qui ont accompagné les choix faits à l'époque. En particulier, le raccordement des écoles, des collèges et des lycées reste un problème entier. La formation des enseignants de même. Notons aussi qu'il s'agit d'une formation longue, demandant des remplacements de postes. À l'heure où l'on réduit le nombre des enseignants, il faut craindre que l'école ne soit de fait placée en dehors de la nouvelle sphère de l'information, ce qu'on lui reprochera ensuite !
Enfin, la réalisation d'outils logiciels de formation est encore balbutiante. Nous ne savons pas encore quelle est la place respective de la relation au savoir et de la relation à l'enseignant dans le processus d'apprentissage. L'idéologie qui vise à remplacer les enseignants par des ordinateurs a peu de chance d'être productive. C'est au contraire en trouvant un nouveau mouvement pédagogique qui intègre l'informatique, et plus précisément les réseaux, dans le cadre d'une relation de personnes en présence physique que l'on peut avancer. Ce n'est pas innocent que les expériences les plus avancées aient lieu dans les écoles, notamment dans celles qui pratiquent la pédagogie Freinet (école de Piquecos (3)).
Les nouveaux modes de débat
Le réseau informatique, et plus particulièrement la messagerie électronique inaugurent de nouveaux modes de débat. Les forums électroniques permettent à chaque utilisateur connecté de suivre des idées qui ont une audience "mondiale", plus précisément une audience répartie géographiquement, mais réservée pour l'instant à une certaine catégorie de personnes (des milieux plutôt riches, éduqués, majoritairement mâles et blancs, ne l'oublions pas).
Être informé est à la base de toute action collective. S'informer mutuellement pour mieux débattre est un travail de toute association auprès de ses membres. Confronter les points de vue permet l'accord entre groupes et associations.
On a l'habitude de comparer l'Internet à une nouvelle agora. On y trouve la même vitalité du débat, mais aussi les mêmes inconvénients et comportements parasites (envois massifs, interventions hors de propos, insultes et guerres de flammes...).
Il faut encore améliorer les modes de fonctionnement des débats. Ces idées tournent autour de la notion de netiquette (4) Or nous sommes confrontés à une période de basculement de l'Internet, d'un outil réservé à un petit cercle de gens qui partagent des options de vie communes (l'univers de la recherche et de l'université) et des référents du même ordre. La netiquette, telle qu'elle a été conçue à l'origine au fil des premières expériences de débats de groupe, est-elle encore d'actualité ?
Oui évidemment, car l'auto-régulation des débats est la seule garantie que des débats aient lieu, que l'Internet ne se réduise pas à la "pensée unique et consensuelle". Mais cela va demander encore plus d'énergie aux organisateurs des débats (modérateurs de listes de diffusion, animateurs de travail de groupe, responsables de MUD (5),...). Car le pendant de la liberté est la responsabilité.
Permettez-moi de faire une remarque : on trouve plus de 1000 documents sur Altavista, le principal moteur de recherche de l'Internet, concernant Ken Saro Wiwa, l'écrivain nigérian assassiné ; 2000 documents sur Salman Rushdie. C'est bien une volonté profonde de défendre les écrivains qui risquent leur vie pour leurs écrits. Mais on trouve aussi plus de 80 000 documents avec la requête "free near speech". La différence est énorme ! Ce qui laisse craindre que les grands mots ne servent qu'à cacher des acceptations et des compromissions importantes. Mais ce n'est pas là une spécialité de l'Internet.
Médiation et citoyenneté
L'Internet impose des relations médiées par un outil technique. On oublie souvent qu'il y a aussi une médiation par des personnes au sein de l'Internet. Des individus qui deviennent des "éditeurs électroniques", des "animateurs de débats", des "diffuseurs d'information". Nous ne sommes donc pas dans une situation où seul l'émetteur d'un message et son destinataire sont concernés. Des règles de vie commune, d'organisation sociale, sont nécessaires, même si étant souvent implicites, elles sont encore peu admises au sein de la communauté des internautes.
Une récente déclaration de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (6) française pointait le besoin de retrouver des marques sur le réseau, en distinguant ce qui est de l'ordre de la conversation privée, et ce qui relève de l'univers éditorial. L'édition sur l'Internet, principalement représentée par les services W3 (le Ouebbe) devait aussi se conformer aux règles (droit et devoirs) qui découlent de cet univers éditorial. Des règles condensées depuis 1881 sur les diverses lois sur la liberté de la presse, essentielles à une démocratie.
Même si je partage cette orientation globale, il me semble qu'il faut cependant réfléchir aux nouveaux lieux de débats, qui ne relèvent ni du courrier privé, ni de l'aspect éditorial : les groupes de niouzes ou les listes de diffusion ont un autre statut, et vouloir les enfermer dans des références du passé s'avèrera inefficace.
Ainsi, avant de crier que l'Internet est un monde "sans droit", il convient de distinguer ses divers outils et services. De prendre en compte à la fois les aires de diffusion et les moyens de connection. Ce qui est le plus gênant, c'est le refus de la responsabilité. Comme si ces outils existaient dans l'éther. Il y a toujours des personnes qui prennent la responsabilité de lancer un groupe de débat. Ils ne peuvent ensuite s'en laver les mains, et laisser les pires abjections se frayer un chemin. Car les pires abjections (négationnisme, pédophilie...) sont bien présentes sur l'Internet, comme dans toutes les autres activités humaines.
C'est par la démocratie, une forme d'organisation de la société qui associe droits et devoirs, responsabilités et affrontements, que l'on peut essayer de limiter les pulsions négatives de l'humanité. Revenir en arrière sous prétexte que les personnes "bien éduquées" sont sur l'Internet et ont assez de "conscience " pour évacuer les aspirations les plus brutales est une attitude d'autruche : fermons les yeux, tout ira mieux. La réalité du monde, c'est que les tendances malsaines et antisociales sont tout autant à l'oeuvre dans toutes les catégories de population. On ne peut pas construire un raisonnement qui accepterait d'interdire dans les médias de masse des attitudes qui pourraient être autorisées dans les médias de riches. C'est une attitude constante des possédants de croire qu'ils sont "au dessus des lois". Les récentes affaires qui gangrènent la vie politique française sont là pour nous le rappeler. Ce n'est pas ma vision de l'Internet.
Un autre point mérite d'être soulevé : l'importance des relations "en présence" dans l'activité démocratique. Les médias de masse nous ont habitués à une représentation de la vie publique. La politique est devenue une scène de spectacle, dont les acteurs se retrouvent coupés de la société. Avec les effets négatifs sur la politique, et plus largement sur la démocratie que l'on connaît. L'Internet reste fondamentalement différent, en ce sens que les intervenants d'un débat n'ont pas besoin d'être "invités", pré-sélectionnés par un groupe de médiateurs. Mais le danger d'un espace de débat "qui tourne en rond" à côté d'une vie réelle de plus en plus dirigée est présent. Les débats informatiques en réseau permettent de faire jaillir des idées, de relancer la réflexion, mais ils se traduisent plus difficilement par des prises de décision. Dans une réunion en présence physique, il y a toujours un moment de synthèse qui indique une direction, un choix, une orientation. Ce n'est pas le cas dans les groupes de débat informatique.
Ainsi, la démocratie peut s'offrir un nouvel outil avec l'Internet, pour mettre la réflexion collective en avant. Mais ce nouvel espace ne saurait remplacer les modes de règlement des conflits et des oppositions de la société. Il est complémentaire, et porte une nouvelle démocratie hybride. C'est cela qui rend d'autant plus sensible la question de la liberté de parole sur le réseau. Même si l'expression est souvent galvaudée.
Internet et l'égalité
On dit souvent "sur l'Internet, personne ne sait que vous êtes un chien", pour souligner que dans la communication par écrit, les idées primeraient sur la personne qui les porte et sur les moyens matériels qui sont les siens. Voici encore une idée qu'il faudrait examiner à la loupe.
Roberto Bissio (7) cite un exemple. Il indique la capacité d'une ONG sans moyen de faire connaître au monde entier un texte passé inaperçu après la conférence de Rio (en l'occurence le "document d'interprétation" édité par la Maison Blanche). TWN, Third World Network a diffusé ce texte et ses commentaires à tous les écologistes du réseau. Une institution favorable à la Maison Blanche a ensuite rédigé un contre-feu, en renvoyant un texte à tous les premiers destinataires. Le débat pouvait ainsi avoir lieu sans que vienne interférer les moyens de chaque groupe. Les idées et la qualité des arguments seraient seules en jeu, à la différence des prospectus sur papier glacé et les belles illustrations de la publicité des groupes de pression. Mais l'exemple date de 1993.
Or maintenant, pour faire passer des idées nouvelles, il faut aussi maintenir un site Web, avec des animations multimédias, un serveur puissant garantissant la fluidité de la lecture. Une accumulation de moyens matériels et de savoir-faire qui n'est plus à la portée de toutes les bourses. Et encore n'en sommes-nous qu'aux prémisses. Il est toujours plus facile de créer un site Internet qu'un journal, sans parler d'une télévision. Mais pour rester dans la course, il va falloir innover grandement. Ce qui deviendra de plus en plus difficile pour les associations et les syndicats, pour tous ceux qui n'ont ni le pouvoir, ni l'oreille des financiers.
Car derrière les rideaux on s'agite. M. Edwin Artzt, président de Procter et Gamble précise sa pensée devant une réunion des publicitaires de l'American Association of Advertising Agencies (cité par Dan Schiller (8)) : "A nous de nous emparer des nouveaux réseaux électroniques et de forcer Internet à travailler dans notre intérêt. [...] Pensez à toutes ces nouvelles circonstances favorables. Nous pourrons utiliser l'interactivité pour faire participer le consommateur à nos publicités. Nous pourrons susciter des réactions immédiates. Nous pourrons cibler non seulement des groupes démographiques, mais aussi des foyers individuels. Une famille vient-elle d'avoir une naissance ? Nous lui montrerons une publicité vantant les mérites des Pampers. Nous serons en possession d'une foule d'outils pour attirer et informer le consommateur. Si notre travail est bien fait, les gens seront vissés à leur siège, devant leurs ordinateurs, au moment de la pub".
Alors, même si je continue à croire aux échanges collectifs, aux projets coopératifs sur le réseau, à l'intelligence collective (9), je reste lucide sur les moyens dont disposent ceux qui veulent que rien ne change. Si aujourd'hui encore les différences de savoir-faire sont faibles, le fossé entre les associations et les marchands va croître très vite. Regardez simplement l'engouement des grands médias pour tester le réseau, et la faible utilisation par les associations ou les syndicats.
Il ne suffira pas de pointer les avantages de la communication électronique, notamment avec l'élargissement des perspectives à l'échelle européenne, pour que celle-ci devienne un moyen de "contre-information" ou de nouvelles propositions.
On peut se demander par exemple s'il n'est pas nécessaire dans la vie publique d'utiliser l'argent collectif pour permettre aux citoyens et à leurs associations de diffuser de l'information. Des serveurs municipaux, régionaux, nationaux, ayant des missions claires d'information et d'égalité d'accès semblent une hypothèse crédible. Faute de quoi, on ne retrouvera que les serveurs payés par la Lyonnaise ou la CGE, avec de l'argent public si j'en crois les journaux.
Le respect de la vie privée
L'exemple de la publicité ciblée nous indique aussi les dangers que recèle le réseau concernant la vie privée. Des agents de marketing constituent aujourd'hui des banques de données centrées sur les individus (10). D'aucuns imaginent d'utiliser les interventions des internautes (les futurs "prospects") afin de synthétiser leurs centres d'intérêts, les groupes susceptibles de les toucher, leur portrait de consommateurs. Toutes les techniques du marketing trouvent dans l'individualisation de masse propre à l'Internet une source inépuisable de moyens pour cibler au mieux les consommateurs.
En France, nous sommes encore protégés par la CNIL (Commission Informatique et Liberté). Pour combien de temps ? Quand on pourra connecter le fichier annuaire des interventions sur les groupes de débats et les fichiers issus des achats en grande surface, récupérés avec les cartes spéciales des grands distributeurs, quand les outils d'analyse statistique seront développés, alors nous recevrons une publicité qui nous sera complètement adaptée. A tel point qu'il ne nous semblera plus qu'il s'agit de publicité.
Un autre aspect de la vie privée concerne la "télémédecine". Il y a évidemment des avantages à la transmission par réseau des informations médicales, notamment la faculté de faire étudier des radios, ou d'autres analyses par un spécialiste distant. Cependant, cette médaille aussi possède son revers : les dossiers médicaux vont devenir de plus en plus des objets de convoitise. Ce dossier comporte des renseignements qu'un individu peut souhaiter ne laisser connaître qu'à ses médecins traitants. Il semble qu'à l'heure actuelle, peu de mesures de précaution soient prises pour prendre en compte ce problème dans le développement de la télémédecine. D'autant que l'Internet, ayant été conçu pour l'univers de la recherche et de l'enseignement recèle de nombreux "trous de sécurité".
L'existence même de ces fichiers est dangereuse, même dotés de modèles de cryptographie. Par exemple, que pourrons-nous faire quand une compagnie d'assurance, un employeur, ou un service quelconque demandera la clé d'accès à notre dossier personnel ? Il existe tellement de moyens de pression (chantage à l'emploi, réductions, ...). Les divers chapitres des dossiers seront-ils séparés ? Avec de multiples clés ? Mais comment nous y retrouverons-nous ?
Les réglementations concernant les fichiers informatiques et la possibilité d'un individu de faire enlever des informations le concernant sont encore peu nombreuses. La France a de ce point de vue une législation très en avance. Tant en avance qu'il semble que l'on veuille aujourd'hui l'adapter. Avec un argument imparable : si la France ne libéralise pas l'accès aux fichiers, cela se fera quant même... dans les paradis informationnels, de préférence au soleil des îles Caraïbes. Surveillons français !
La création d'un marché mondial
L'Internet est un outil qui intéresse le commerce au plus haut point (11). D'abord pour la promotion des produits, puis pour le marketing (utiliser le "feedback" de celui qui reçoit la promotion, ou qui utilise le produit afin de modifier le produit pour l'adapter à sa clientèle).
Mais aussi directement pour organiser des échanges commerciaux. Dans une "galerie marchande numérique", le chaland se promène sur les pages de présentation des produits, et sélectionne les biens qu'il souhaite acquérir. Il utilise la carte monétique qui est introduite dans la fente idoine de son ordinateur de réseau pour valider ses commandes. Un "tiers de confiance" certifie au marchand que le client a bien commandé, et qu'il peut livrer le bien, ce tiers de confiance assurant le paiement du fournisseur.
Plus élégant que le transfert par fax d'un numéro de carte bancaire, une telle architecture est encore un peu trop idyllique pour être crédible. Elle pose en fait de larges problèmes de société, qui n'ont pas fini d'animer des colloques :
- on doit distinguer les biens numériques, qui sont échangés par le réseau des artefacts, qui doivent transiter par d'autres circuits. À quel moment intervient le paiement ? La présentation sur le réseau de biens ne peut-elle pas être assimilée à un démarchage à domicile ? Quelles sont les conditions de rétractation ?
- qui frappe la monnaie numérique ? Alors que la bulle financière mondiale est environ cinq fois plus importante que la masse des échanges commerciaux, on peut s'inquiéter de cette nouvelle possibilité de créer de la monnaie sans aucune intervention des États. Il n'y a pas de monnaie mondiale ; quelles garanties de compensation existeront entre les pays ?
- le système doit se garantir des effets d'échelle, notamment d'être utilisé pour des transaction de très faible valeur unitaire. Nicholas Négroponte (12) parle de quelques cents pour l'achat à l'unité d'articles de journaux. Cela n'est pas sans danger de devoir toujours payer pour des activités sociales (écouter de la musique, lire le journal...). En outre, cela met en place un nouveau système d'exclusion.
- quels sont les droits des consommateurs ? Comment sont-ils défendus, et quels sont les tribunaux compétents ?
- La récente affaire des "médicaments" interdits en France et vendus depuis Amsterdam est significative. Que deviennent les opérations collectives de santé publique, de surveillance des fraudes ?
Le commerce sur l'Internet est basé sur une confiance qui n'existe pas. C'est la raison pour laquelle ce sont les contacts inter-entreprises qui seront privilégiés pendant longtemps. Tant mieux, car je préfère serrer la main du marchand de légumes de mon quartier que de commander par écran interposé. Mais les risques d'accentuation des monopoles et des accords de partages deviennent plus grands.
Pour autant, la possiblité de vendre des produits de faible audience est intéressante. Il existe aujourd'hui tant de monopoles que les acteurs de scènes secondaires ont raison de voir dans l'Internet un outil de diffusion adapté. Ainsi en est-il du milieu de la musique. En dehors du Top 50 existent de nombreux musiciens qui souhaitent vivre de leur art. Vendre des disques à leurs amis reste une solution crédible, qui permet de jouer dans une niche très spécifique, qu'ignore complètement le grand magasin de nos villes. De même pour l'auto-édition, pour les revues confidentielles...
L'accès par l'intermédiaire d'institutions relais
Aujourd'hui le grand-public a encore très peu accès à l'Internet. Pourtant, la logique qui prévaut dans les discours officiels comme dans l'attitude de la presse et des média est construite autour d'une analogie avec la télévision : chacun possédera bientôt chez soi un moyen de se connecter au réseau mondial. Preuves de cette évolution : l'accroissement de l'équipement des ménages en ordinateurs multimédias. Encore une fois, les futurologues mélangent les taux de croissance et les valeurs absolues, et tirent leurs conclusions d'un maintien largement hypothétique des taux de croissance.
On passera à côté du potentiel d'élargissement de la démocratie que recèle l'Internet (13) si l'on se restreint à cette vision consumériste du réseau. On comprend bien l'intérêt des marchands de matériel, des investisseurs des télécommunications ou du câble à ne concevoir que cette orientation. C'est plus critiquable de la part des institutions publiques.
D'abord la connectivité globale, avec des débits suffisants pour profiter de toutes les ouvertures du multimédia est encore loin d'être établie. Le fameux syndrome du dernier kilomètre est à l'oeuvre. A terme, il y a aussi une bataille intense entre les opérateurs du câble et ceux des télécoms. Si les paraboles fleurissent aujoud'hui, c'est en raison du retard du câblage. Mais l'Internet est un atout dans la main des câblo-opérateurs, qui s'empresseront de le jouer quand le prix des modems spécifiques deviendra faible (environ 3000 F aujourd'hui).
Cette situation réserve l'Internet à ceux qui ont des moyens financiers importants (poste terminal + réseau + télécommunication). Certes, comme ce fut le cas pour les autres outils technologiques (télévision, chaîne hi-fi), une forme de démocratisation aura lieu par le biais du marché, induisant une baisse des prix parallèle à la maîtrise technique et à la production de masse. Cependant, la période transitoire, notamment celle qui s'ouvre dès aujourd'hui, peut être longue, et c'est elle qui définira les règles de fonctionnement et les objectifs publics du réseau. Il convient dès lors de penser à des organismes-relais qui puissent offrir des accès publics. Nous avons évoqué plus haut le cas de l'école, et des ouvertures vers des "clubs Internet" dans les foyers socio-éducatifs. Il faut aussi parler des bibliothèques, l'Internet se plaçant dans la logique de l'extension de ces services vers d'autres médias, tout en restant dans l'univers de l'écrit et de la documentation. On doit enfin imaginer des accès dans d'autres structures publiques (mairies, postes, offices HLM...).
On peut penser en effet que le courrier électronique (au moins) et la navigation Web vont devenir des services élémentaires, au même titre que le téléphone ou le courrier postal. Il faudra des lieux de consultation, mais aussi des matériels performants, des animateurs-éducateurs formés, des "formateurs de formateurs". Toute une chaîne d'emplois socialement utiles qui marient le développement du réseau avec de nouveaux objectifs démocratiques.
Plus encore, la capacité de secteurs professionnels entiers à utiliser les méthodes et les ressources nouvelles qu'offre le réseau va devenir un enjeu d'évolution de la relation entre l'administration et les services associés (notamment les services sociaux) et les usagers (14). Les aides sociales peuvent être mieux gérées si les informations, les moyens de circuler dans le labyrinthe des textes et des interprétations sont disponibles pour les travailleurs sociaux. Si de plus s'y ajoute l'intelligence collective des échanges, il devient plus aisé de trouver des solutions adaptées aux cas rencontrés.
Pour les questions de citoyenneté, il convient de penser qu'en aval le contrôle des élus, des engagements et des actions, le suivi des finances publiques, et en amont le débat contradictoire, l'innovation autour de nouveaux projets sociaux, l'enquête permanente... constituent des renouvellements de la pratique publique dont l'urgence se fait sentir. Le réseau, à la différence des médias de diffusion, permet de prendre ces aspects en compte : nous avons un média individualisé, alors que les médias de diffusion tendent à restreindre l'offre citoyenne (il n'y avait que deux candidats crédibles à la dernière élection présidentielle... à tel point que le Président actuel n'en faisait pas parti ! sans parler des dix autres).
Mais pour que l'Internet joue effectivement un rôle dans ce renouveau démocratique, il faut trouver des moyens pour offrir des accès au titre du service public. Des lieux, des matériels, des formations, des emplois,...
Malheureusement, on n'en prend pas le chemin. Pire, un service public, aussi important que la diffusion de la Loi est aujourd'hui confié, à une entreprise privée par l'intermédiaire d'une concession (15) si mal définie, que celle-ci pourra fixer les prix qu'elle demandera aux autres diffuseurs. Vraisemblablement, il sera impossible d'acheter l'information publique pour la redistribuer gratuitement, pour ne pas mettre en cause l'équilibre économique du concessionnaire (16). Derrière ces négociations de couloir sur le renouvellement et l'élargissement de la concession se joue un large débat démocratique, occulté derrière des théories fumeuses et idéologiques (17).
Est-il possible que la Loi ait un prix différencié selon le moyen d'accès ? La diffusion électronique est un service en cette fin de XXème siècle qui est du même ordre que la diffusion du Journal Officiel imprimé. Et l'Internet, en offrant à la fois l'infrastructure et les outils logiciels permet cette réelle diffusion publique de l'information. Libre ensuite aux entreprises qui peuvent apporter de la valeur ajoutée de prendre les données légales et de les incorporer dans des produits qu'elles chercheront à vendre. Ce qui coûte cher, c'est la démocratie, l'élaboration collective de la Loi commune, pas la diffusion, pas le transcodage électronique, pas la constitution d'un serveur, si grand soit-il. Ce qui coûte cher, c'est l'absence de transparence, s'est la difficulté des associations et des syndicats à accéder à l'information, à constituer des bases de réflexion, c'est l'absence de valorisation de nombreux travaux administratifs. Cela coûte cher économiquement, mais surtout socialement.
Les modes de financement de l'information
L'Internet est la prolongation de l'univers de l'écrit et du document. À ce titre les modèles qui vont se mettre en place pour le financement de l'information relèvent de la même importance que le statut du livre et des autres documents. Pire, les choix qui sont en cours au nom du réseau vont avoir des répercussions importantes sur toutes les formes de création, de diffusion et de lecture des documents.
Le danger principal qui se fait jour est d'adopter pour le document électronique la logique du paiement "à l'acte de lecture" (18). Certes, avec le réseau cela devient techniquement possible (19), mais c'est socialement inacceptable. C'est pourtant dans ce sens que poussent les principaux éditeurs (Microsoft, Disney, Sony, Elsevier, TF1 ; quand nous parlons d'éditeurs, arrêtons d'associer les éditeurs littéraires, qui se fourvoient eux-mêmes en bien mauvaise compagnie).
Dans cette orientation, les auteurs sont pris en otages. Il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont les droits d'auteur sont mis en avant pour mieux défendre des "droits d'éditeurs". L'exemple de l'édition scientifique est particulièrement significatif à cet égard (20). D'un très fort rapport (21), l'édition scientifique demande aux auteurs, mais aussi aux institutions qui ont financé la recherche (université, grandes entreprises....) de confier leurs droits à l'éditeur. Difficile de se faire passer pour un simple prestataire de service dans ces conditions.
Le récent débat autour de la proposition de l'OMPI (22) sur la "protection des banques de données" est là encore significatif : les États-Unis cherchent à faire passer, avec l'appui de l'Europe, à l'échelle mondiale une révision de la Convention de Berne. Leur gouvernement cherche à faire passer par un organisme international une modification de la loi qui a été repoussée dans son propre pays. L'objectif est si mal rédigé que le simple feuilletage d'une page ouebbe pourrait devenir une infraction ! La notion de "fair use", qui malheureusement n'a pas d'équivalent en France, est bafouée. Or il y a bien des utilisations légitimes d'un document : distribution à des élèves d'extraits, prêt à un ami, prêt collectif dans les bibliothèques, réalisation d'une photocopie par un documentaliste pour le bénéfice de son utilisateur, prêt-inter bibliothèque, recherche documentaire pour le compte d'autrui... Ces utilisations se justifient par les formes sociales qu'elles permettent, par l'élargissement de la sphère de la connaissance, par l'importance de l'éducation et de la recherche, par l'élargissement de la recherche à l'échelle mondiale, notamment en direction des pays en voie de développement. Les documents ne sont pas strictement des supports commerciaux, mais ils possèdent un rôle social qui ne peut être négligé (23).
Les compensations doivent évidemment être versées aux auteurs et aux éditeurs. Mais les règles doivent maintenir les droits du public. De ce point de vue, les bibliothécaires ont un rôle à jouer. Ils constituent, avec les enseignants, la seule force organisée qui puisse résister à la pression de l'argent à court terme dans le domaine des documents, et plus généralement de la diffusion de la connaissance. C'est une responsabilité sociale nouvelle qui leur incombe de participer aux débats qui permettront de trouver des modes équitables de financement de la création artistique et de la diffusion de la connaissance. Cela se traduira certainement par des bouleversements importants, une redistribution des cartes qui menace les monopoles éditoriaux. Ne leur laissons pas le privilège de se masquer derrière les auteurs. Ils l'ont déjà fait pour porter le passage des oeuvres dans le domaine public à soixante-dix ans après le décès des auteurs. Merci pour les auteurs ! Les pires projets se sont toujours faits au nom de la défense des plus faibles. Ne nous laissons pas abuser.
Que cet enjeu apparaisse avec le développement de l'Internet, qui favorise la circulation et la duplication des documents, est important. Il faut effectivement garantir un fonctionnement juste de l'économie de l'information, qui limite les piratages et garantisse les droits des créateurs. Au passage qui tienne compte de leurs droits moraux comme de leurs droits patrimoniaux, c'est le message que porte la loi française ; et qui s'oppose à de nombreuses pratiques actuelles liées à la notion plus commerciale du "copyright" (colorization, sampling, ...). Mais il faut aussi organiser la circulation des connaissances. Notamment en direction des pays les moins développés. Et cela ne peut pas s'accorder avec le mythe du paiement "à l'acte de lecture". Des formes nouvelles comme la licence collective étendue, des chartes déontologiques des professions concernées (bibliothécaires, documentalistes, enseignants, journalistes...) ont une place dans ce débat.
En guise de conclusion
Voici survolés rapidement quelques uns des défis que lance le développement de l'Internet au fonctionnement démocratique des sociétés. Ni ange, ni démon, l'Internet permet de reposer des questions sociales. Il est un lieu d'affrontement, comme toute la sphère publique. Affrontements entre intérêts divergents, affrontements géopolitiques, affrontements culturels,... L'Internet est aussi le lieu d'une nouvelle démocratie, avec de nouvelles configurations de forces et de nouveaux soubassements pour des projets sociaux.
La tendance dans les discours concernant l'Internet est d'opposer des discours "utopiens", qui croient que la technique va révolutionner le monde. C'est faire peu de cas des pratiques sociales, des déterminants humains. Et des discours anti-utopiens, qui soulignent les renforcements de pratiques qui ont montré leurs aspects néfastes grâce au réseau mondial (24). C'est aller vite en besogne pour juger le travail et l'expérience acquise par les fondateurs et les pionniers du réseau, qui l'ont construit autour de projets de liberté et d'égalité. Et de modes de fonctionnement ouverts, égalitaires et non-hiérarchiques (25).
Ces deux discours ne s'opposent pas. Ils portent des éléments qui nous interrogent sur l'avenir de notre société démocratique. Un mode fragile de vivre ensemble. Rare, trop récent et trop peu répandu pour qu'il soit garanti. Suffisamment attractif et porteur de projets d'avenir pour qu'il soit défendu et développé. Avec une incitation permanente à la participation de toutes et de tous.

Notes
  1. Gérard Théry, Les autoroutes de l'information : rapport au Premier Ministre, La Documentation Française, 1994
  2. Voici un exemple extrait d'un prospectus de la société Kepler, basée à Bucarest (19 octobre 1995) : Ce que vous pouvez spécifier, nous savons le réaliser.Sur la base de 700 FHT la journée d'ingénieur expérimenté, nous assurons des travaux au forfait avec garantie de bonne fin, ou de la régie délocalisée en nous connectant directement sur votre système. (c'est le prospectus qui souligne) Nos chefs de projets, nos réalisateurs parlent français, ils sont à 3 heures d'avion de Paris. Si vous avez des développements informatiques en cours ou en attente, comparez nos tarifs à vos coûts internes... et faites nous appeler.
  3. Pour Piquepos : http://www.ac-toulouse.fr/piquecos/ et voir aussi les nombreux articles d'Alex Lafosse dans Terminal sur les diverses expériences à l'intérieur du mouvement Freinet.
  4. Hervé Le Crosnier. La déontologie du réseau : garde-fou des citoyens du cyberespace. in : L'Internet professionnel. - CNRS Éditions, 1995. - (Le Micro-Bulletin, numéro spécial Internet, mars 1995). - p.316-320.
  5. Julian Dibbel., Taboo, concensus and the challenge of democracy in an electronic forum- In: Computerization and controversy: value conflicts and social choices, ed. par Rob Kling, Academic Press, 2nd ed. 1995, p. 552-568
  6. Depêche AFP reproduite sur la liste de diffusion isoc.vie.publique le 26 octobre 1996(archives : http://www.univ-rennes1.fr/LISTES/isoc.vie.publique@univ-rennes1.fr)
  7. Roberto Bissio,. Nouvelles armes pour les démocrates, Le Monde Diplomatique, juillet 1994. Repris dans Internet, l'extase et l'effroi, Manière de voir, Octobre 1996.
  8. Dan Schiller, Les marchands du "village global", Le Monde Diplomatique, mai 1996. Repris dans Internet, l'extase et l'effroi, Manière de voir, Octobre 1996.
  9. Lévy, Pierre, L'intelligence collective : pour une anthropologie du cyberespace, La Découverte, 1995.
  10. Ainsi la banque de données P-TRAK lancée par Lexis-Nexis, et qui est la source de nombreux débats sur Internet. On consultera en particulier un message posté le 23 septembre 1996 sur la liste de diffusion RRE(archives : http://communication.ucsd.edu/pagre/rre.html).
  11. La liste de diffusion isoc.commerce@univ-rennes1.fr permet de suivre les débats et conceptions dans ce domaine. (archives à l'URL : http://www.univ-rennes1.fr/LISTES/isoc.commerce@univ-rennes1.fr
  12. L'homme numérique / Nicholas Negroponte. - Laffont, 1995.
  13. Richard E. Sclove, Making technology democratic, In: Resisting the virtual life: the culture and politics of information, ed. by James Brook and Iain A. Boal. - San Francisco, City Lights, 1995, p. 85-101.
  14. Baquiast Jean-Paul, Les administrations et les autoroutes de l'information Ed. d'Organisation, 1996.
  15. Décret num 96-481 du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques.Art. 10 : La concession prévoit l'obligation, pour son titulaire, de céder sur support numérisé les données qu'il détient à tout tiers qui pourra les rediffuser. Cette rediffusion fait l'objet d'une licence délivrée au nom du concédant par le concessionnaire et fixant, conformément à des conditions générales énoncées dans la concession, une rémunération équitable du concessionnaire et le respect par le rediffuseur, d'exigences d'intérêt général
  16. Les licences de rediffusion permettront de concilier cette ouverture de la diffusion aux tiers et l'équilibre économique de la concession.Rapport au Premier Ministre sur le décret num 96-481 du 31 mai 1996.
  17. Un exemple tiré de : Martine Viallet (directeur de la Documentation Française).Public access to public sector-held information and dissemination policy : origin and rationale through national experiences - Public data dissemination policy in France. In : Access to public information : a key to commercial growth and electronic democracy. Conférence. Stockholm, 27-28 juin 1996.

  18. (http://www2.echo.lu/legal/stockholm/fr/viallet.html )
    Des phrases contradictoires juxtaposées : tout est dans tout, mais l'idéologie va primer : La circulaire de 1994 précise que le coût de collecte des données nécessaires aux besoins propres de l'administration étant pris en charge par la collectivité publique, il ne doit pas être répercuté sur les acquéreurs de données publique. Ceci évite que l'acquéreur paie deux fois, en tant qu'utilisateur de service et en tant que contribuable.
    Seul le coût de la mise à disposition des données est facturé aux usagers. la gratuité totale conduirait à fermer le marché à l'initiative privée et présenterait les habituels effets pervers de l'absence de "ticket modérateur" (gaspillage, absence d'indicateurs d'efficacité).
    Une modulation des tarifs est possible selon l'usage qui est fait des données publiques, en considération des nécessités d'intérêt général et dans une mesure adéquate à la différence objective des situations
    Une question : si l'on ne facture que le coût de la mise à disposition, comment peut-on moduler les tarifs ?
  19. Prohibit unauthorized extraction, use, or reuse of any database, or any substantial portion of a database (as defined by the database vendor) and effectively establish the basis for a pay-per-use system.

  20. Bruces Alberts, President of the National Academy of Sciences - USA ; Wm. A. Wulf, President, National Academy of Engineering; Kenneth I. Shine, President, Institute of medicine. - Lettre au secrétaire au Commerce à propos de la législation proposée par les Etats-Unis auprès de l'OMPI.
  21. Sairamesh, J. ; Nikolaou, C. ; Yemini, Y., 1996 Economic framework for pricing and charging in digital libraries, D-Lib Magazine [journal électronique], fevrier 1996.http://www.dlib.org/dlib/february96/forth/02sairamesh.html
  22. Anne Dujol. - Revues scientifiques médicales et droit d'auteur. - Bulletin des Bibliothèques de France, 1996, 41(1), p. 75-82
  23. Dans un article publié en page 15, le 20 juillet 1995 dans le journal Le Monde, le groupe Reed Elsevier annonçait la mise en vente de sa presse et son édition grand-public en argumentant ainsi :

  24. La presse grand-public au sein de Reed Elsevier affiche des marges bénéficiaires de 14 %. Ce pourcentage atteint 25,7 % pour la branche professionnelle, et 34,4% pour les publications scientifiques.
    (c'est nous qui soulignons). Il faut payer les journalistes... ce sont les États qui financent la recherche scientifique.
  25. OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle (en anglais : WIPO).Les textes de références concernant cette conférence internationale sont regroupés dans le service : http://www.public-domain.org/database/database.html
  26. Brown, John Seely et Duguid, Paul, 1996, The social life of documents, First Monday, [journal électronique], vol 1, num 1, 6 mai 1996. ( http://www.firstmonday.dk)
  27. Kling Rob et Lamb Roberta. Analysing alternate visions of electronic publishing and digital libraries In: Scholarly publishing: the electronic frontier, ed. par Robin N. Peek et Gregory B. Newby. - MIT Press, 1996, p. 17-54
  28. L'IETF (Internet Enginiering Task Force) est l'instance qui établit les normes et les protocoles du réseau. La méthode consiste à diffuser des RFC : Request For Comments, qui sont des document à durée de vie limitée, ouverts au débat collectif. Quand une idée ou un protocole est arrivé à maturité, notamment quand au moins deux logiciels sont disponibles appliquant les techniques décrites, le document devient "définitif" et considéré comme une norme de l'Internet (Internet Standard). Plus de détails sur ce modèle dans :

  29. Huitema, Christian, Et Dieu créa l'Internet, Eyrolles, 1995 .