Cybern?tique et soci?t? : Norbert Wiener ou les d?boires d'une pens?e subversive Guy Lacroix
Face aux défis actuels lancés au secteur des services de télécommunications, cet article a pour objet de mettre en perspective la trajectoire historique de la régulation sectorielle, afin d'éclairer les métamorphoses en cours.
Cette réflexion s'intègre dans l'effort mené sous la direction de Robert Boyer et Yves Saillard (La théorie de la régulation : L'état des savoirs, La Découverte, 1995), et s'inscrit notamment dans la perspective de la spécificité des dynamiques sectorielles. Nous insistons sur la nécessité d'une approche en terme de régulation sectorielle1. L'insertion dans un modèle dominant (le fordisme) ne doit pas masquer les particularités sectorielles que l'on explicite a travers l'analyse du dispositif institutionnel spécifique au secteur. Les institutions sectorielles, issues de l'insertion historico-politique des télécommunications dans un cadre public, évoluent au rythme des transformations, notamment techniques, que connaît le secteur.
La régulation sectorielle des télécommunication fait apparaître deux grandes composantes :
- une articulation entre le régime économique de développement (qui n'est pas en phase avec le fordisme) et les formes de la concurrence (monopole réglementé qui se déstructure aujourd'hui), faisant apparaître le produit offert comme une composante forte (du téléphone à la multiplication des services) ;
- le rapport salarial, structuré par les formes de la concurrence, donne sa cohérence et son efficacité à l'organisation sectorielle. Il se trouve profondément atteint par le changement de métier et la dualisation du secteur.
La régulation sectorielle des télécommunications s'est construite dans des espaces nationaux et selon des dispositifs structurés nationalement. La déstructuration des télécommunications est marquée par deux mouvements majeurs qui modifient profondément l'ensemble des dispositifs : mondialisation des réseaux et des logiques d'organisation ; multiplication et différenciation qualitative des services.
De la pénurie à la diffusion de masse : régime de
développement et formes de la concurrence
La dynamique que connaissent les télécommunications sur une longue période fait apparaître un lien très étroit entre la nature du produit et les formes de concurrence qui se mettent en place pour le valoriser. Les questions sur la nature du réseau et ses conditions de valorisation ont des implications en terme de structuration du marché : les monopoles réglementés constituent le vecteur de développement du téléphone dans les grandes nations industrialisées.
Si le monopole apparaît très généralement comme un des facteurs essentiels de la diffusion de masse, le régime économique de développement diffère par contre d'une nation à l'autre. Ainsi le degré d'implication de l'Etat et, de façon liée, la dynamique des investissements, rythment la croissance des télécommunications selon des particularités nationales. En France, une situation pénurique très longue précède la phase de rattrapage, attestant d'une particularité non seulement nationale, mais aussi sectorielle2.
Le monopole : un passage obligé de la diffusion de masse
Généralité des processus de monopolisation et d'intervention de l'Etat
Les modes de valorisation du capital sont une explication privilégiée par l'économie industrielle, qui montre que les rendements croissants et les économies d'échelle induisent une situation de monopole naturel dans une situation monoproduit3. La présence de fortes externalités positives doit être considérée comme un des éléments de l'efficacité d'un monopole d'exploitation pour le réseau téléphonique : le raccordement d'un abonné supplémentaire accroît l'utilité des abonnés présents, et donc la valeur du réseau.
Néanmoins le processus de monopolisation apparaît comme largement artificiel, même si la concurrence entre exploitants est destructrice. L'histoire des télécommunications françaises est très précocement marquée par l'intervention de l'Etat et du pouvoir militaire. En 1837, soit une quarantaine d'années avant l'invention du téléphone, l'Etat se préserve un monopole d'autorisation sur la transmission des signaux "soit à l'aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen". Le développement des infrastructures est organisé pour les ministères de l'Intérieur et de la Défense, avant d'être envisagé pour un usage privé.
Ainsi le téléphone apparaît dans une situation déjà largement organisée, avec un contrôle étatique. La monopolisation, la nationalisation, puis l'intégration au ministère des Postes et télégraphe déjà existant sont ainsi réglés en moins de dix ans. La nationalisation, et donc la monopolisation, est votée en 1889, sans que le débat se porte sur les questions économiques. La dynamique de monopole et l'influence directe de l'Etat sont donc constitutifs de la structuration des télécommunications. Il s'agit là d'une marque sectorielle essentielle.
Pour protéger les exploitants de la concurrence et les utilisateurs contre le monopole (et en tout cas mettre fin à une période d'instabilité), les Etats-nations se dotent de réglementations et d'organes de contrôle. Cet élément est particulièrement fort aux Etats-Unis où le monopole est privé. En France, l'administration qui gère l'exploitation est chargée de son propre contrôle. Le ministère des PTT est une lourde machine bureaucratique dont la réforme est sans cesse repoussée. En 1923, les PTT débutent une longue marche vers l'indépendance en disposant d'un budget annexe, donc distinct de celui de l'administration centrale. La réforme de 1971, en simplifiant l'organigramme du ministère en deux directions (télécommunications ; postes et services financiers), fait progresser l'autonomie de l'exploitant, sans toutefois rompre les liens avec l'Etat central. L'indépendance statutaire de France Télécom date de 1990.
Monopole et imbrication dans l'Etat constituent les bases institutionnelles sur lesquelles repose la régulation sectorielle, jusqu'à la maturité du réseau monoproduit.
Du régime de croissance lente à l'effort de rattrapage
La diffusion du réseau téléphonique, puis des différents services de télécommunication suit un rythme singulier, duquel on peut faire émerger un "régime économique de développement" particulier4, identifié par le type de croissance et la dynamique de l'investissement. Si l'économie des réseaux montre les spécificités de la diffusion et de la valorisation du capital, à cette analyse micro-économique doivent s'ajouter les éléments, historiques et institutionnels, qui ont façonné le secteur de façon originale.
- Investissements : les télécommunications oubliées des priorités françaises
Jusqu'au début des années 1970, la dynamique des télécommunications est marquée en France par une longue période pénurique, durant laquelle la croissance est lente. Les télécommunications ne sont pas une priorité des plans quinquennaux ; les financements du réseau technique sont donc largement insuffisants5 et l'organisation sectorielle se révèle inefficace. L'insertion des télécommunications dans l'administration centrale rend les investissements dépendants de la logique budgétaire des différents gouvernements.
La période de croissance économique 1945-1974 ne permet pas pour les télécommunications le développement d'une consommation de masse en France, alors qu'aux Etats-Unis, dès les années 1960, le niveau d'accessibilité au téléphone peut être assimilé à une consommation de masse6. Aux Etats-Unis, les investissements répondent à une toute autre logique, car le contrôle du monopole privé s'effectue par une réglementation du taux de profit (durant toute la période de monopole réglementé, un taux de profit maximum de 7% en moyenne est imposé à l'opérateur). Le surinvestissement est un effet pervers que l'on a mis en évidence : en investissant l'exploitant limite son taux de profit. En situation de monopole réglementé, l'investissement est favorisé, d'autant qu'il n'y a pas de sanction par le marché (les prix peuvent être élevés). Le régime d'investissement et la dynamique de l'offre s'affirment à travers des spécificités nationales, liées aux arrangements institutionnels propres.
- Vers le service universel
La diffusion grand public du téléphone, c'est à dire le développement d'une consommation de masse, n'intervient que tardivement en France, après la période dite du rattrapage téléphonique (1974-1984).
La réalisation d'un service universel pour le téléphone apparaît comme un objectif fixé aux exploitants de réseau. On considère qu'un service est universel lorsqu'il met à la disposition de tous les utilisateurs un service minimum, selon une qualité définie et à un prix abordable. Le monopole est ainsi justifié par la mission à réaliser, car la constitution d'un service universel passe en premier lieu par l'interconnexion de tous les points du territoire.
La référence au service universel n'est cependant pas explicite. Par contre la notion de service public est présente : la satisfaction des critères d'équité, de continuité et de neutralité, impose des redistributions entre les différents usages et les différents usagers (péréquation tarifaire). L'exploitation dépend donc largement de déterminants politiques et réglementaires ; c'est ainsi le droit administratif, et non le droit commercial, qui régit l'activité.
La dynamique en oeuvre durant toute la période de diffusion du téléphone, soit près d'un siècle en France, repose très largement sur une politique d'offre, centralisée, qui structure le réseau et les usages. Il s'agit d'une période de grands projets où domine un opérateur7. La création du réseau, le développement du téléphone, puis la première phase de différenciation des services se développent très largement sous l'impulsion de l'offre, qui crée une norme de consommation. Norme d'abord monoproduit (avec le téléphone), qui s'étend ensuite à la multiplication des services avec le système vidéotex.
Le modelage de la consommation constitue, avec la particularité du rythme de croissance, un élément de la singularité sectorielle. La consommation de masse des services de télécommunications apparaît à l'orée de la crise du fordisme. On ne peut cependant pas établir une liaison significative entre ces éléments chronologiques : le lancement du plan "téléphone pour tous" n'est pas liée, à la politique macro-économique de crise, mais à la crise sectorielle (la pénurie devient critique).
Différenciation qualitative et éclatement des formes de la concurrence d'un secteur qui se mondialise
Démontré par l'économie industrielle et confirmé par les trajectoires nationales, le réseau téléphonique arrive à maturité dans le cadre de monopoles structurés nationalement et encadrés par des constructions institutionnelles originales. On observe alors un lien étroit entre les structures du marché, la mission confiée aux opérateurs (la fourniture d'un service universel) et le caractère monoproduit du réseau.
La mondialisation des télécommunications impulsée par les Etats-Unis
Les télécommunications sont structurées nationalement sur des édifices réglementaires particuliers : le réseau, son architecture, ses tarifs (y compris les redistributions)... s'organisent lentement, en étroite relation avec l'Etat. Lorsque le service téléphonique devient universel, il arrive à une phase de maturité. La configuration institutionnelle qui a permis sa réalisation est alors remise en cause par le passage de la monoproduction à la multiproduction et par la mondialisation8.
La précocité de la maturité du service téléphonique universel aux Etats-Unis est un des éléments expliquant la précocité de la remise en cause du monopole. La phase qui suit va emporter les dispositifs qui ont soutenu le régime de développement précédent. Le problème alors posé aux (anciens) monopoles européens, aux gouvernements et aux organismes de réglementation peut être formulé ainsi : comment développer, sur ces décombres, une logique nationale ou régionale qui reste forte.
Aux Etats-Unis, les télécommunications arrivent à maturation dans les années 1960, et la remise en cause progressive du monopole aboutit à son démantèlement (1984). Auparavant, le marché est progressivement ouvert à la concurrence, et la stratégie de croissance des différents opérateurs s'oriente vers l'exportation. L'espace national est étroit pour les firmes en présence, et leur compétence dans le domaine leur permet d'espérer d'importants bénéfices, notamment outre Atlantique, où les marchés sont encore protégés.
La déréglementation des télécommunications américaines se trouve mise en perspective par cette stratégie de croissance à l'extérieur. Le monopole ATT, alors première firme mondiale, est réglementairement limité au seul secteur des télécommunications (son action dans les services téléinformatiques est entravée) et au seul territoire national. La déréglementation ouvre les marchés d'exportation à ATT. Sa recherche de croissance s'exprime donc sur les liaisons internationales, où la concurrence par les prix fait rage. Cette pression tarifaire s'accompagne d'une pression politique. Il s'agit pour les Etats-Unis d'exporter leur modèle de déréglementation en Europe. Durant les années 1980, la pression idéologique libérale est très puissante9.
La réponse, qui est donnée au niveau de la communauté européenne, notamment par le Livre Vert sur les télécommunications de 1986 (et l'acte unique de 1991) est la création d'un grand marché unique, espace libéralisé et concurrentiel pour faire contrepoids au marché américain10. Le développement d'un espace européen de "libre concurrence" se joint à la pression concurrentielle internationale pour remettre en cause en profondeur, non seulement les monopoles, mais aussi les dispositifs réglementaires nationaux, sans pour autant former une logique sectorielle de substitution.
Multiproduction et déstabilisation des régularités sectorielles nationales
Tant que le réseau n'offre qu'un seul service, le téléphone, l'offre se confond avec l'activité de conception-construction-gestion du réseau technique. Il y a indifférenciation du réseau et du service dans une situation monoproduit. On considère de façon assez générale (jusqu'à la récente différenciation qualitative) le téléphone comme étant un seul et même service au regard de l'offre, même si différents usages et différentes liaisons coexistent.
La phase qui suit la réalisation du service universel est marquée par la différenciation qualitative des services, elle-même permise par un changement technique majeur pour les télécommunications : la numérisation du signal. Ce changement technique, qui rend possible la différenciation, est soutenu par la marche forcée vers le service universel (Cf. infra la convention de croissance).
Le passage de la mono à la multiproduction est un élément fondateur des modifications des structures d'offre. En situation monoproduit, les économies d'échelle sont une condition suffisante du monopole naturel. En situation multiproduit, par contre, cette preuve du monopole naturel est insuffisante car il faut considérer non seulement les économies d'échelle globales mais aussi les économies d'échelle de chaque produit, ainsi que les économies de variété (c'est à dire les économies résultant d'une fourniture jointe de plusieurs produits). Faire la preuve d'un monopole naturel est alors pratiquement impossible en situation multiproduit, ce qui favorise l'ouverture des télécommunications à la concurrence.
La coexistence de services différenciés fait apparaître une distinction de nature entre le réseau et les services. La valorisation du réseau technique se heurte à des coûts fixes, des barrières à l'entrée (seuils financiers, compétences techniques...) des durées de création du réseau, et enfin des externalités qui limitent la possibilité et l'efficacité des offres concurrentes. Ces éléments ne conduisent pas nécessairement au monopole, ils induisent certainement une situation oligopolistique. Les réseaux restent marqués par la particularité des coûts fixes et des rendements croissants.
L'offre de services consiste à mettre en oeuvre des solutions particulières en mobilisant des compétences diverses, issues notamment de domaines hors télécommunications (finance, gestion, information, jeu...). Les compétences techniques de l'offreur de services peuvent être réduites dès lors que le réseau technique qu'il utilise lui est fourni par un tiers. Ainsi l'exemple du Minitel présente un mode de production particulier, où le réseau est pris en charge par un opérateur distinct de l'offreur de services. Dans ce sens les services échappent en partie à la particularité de l'économie des réseaux (notamment les coûts fixes). Cependant les services restent toujours offerts en réseau, et alors la dynamique de leur diffusion dépend toujours d'effets externes. Une masse critique (seuil d'utilisation minimum) doit être atteinte pour que l'utilisation bénéficie d'un effet d'attirance croissant.
Savoir si la différenciation est plus efficace par multiplication des services ou par multiplication des réseaux est dès lors une des questions majeures posées aux organismes de réglementation. Pour favoriser l'offre de services de télécommunications sans se heurter aux limites technico-économiques de la multiplication des réseaux, la communauté européenne, après les Etats-Unis, a adopté une réglementation dite d'architecture ouverte11. Il s'agit de contraindre les exploitants de réseau à fournir aux offreurs de services les mêmes prestations qu'ils utilisent pour leurs propres services, afin de développer la concurrence. Cependant cette tentative de régulation du marché se heurte à des grandes difficultés techniques et politiques. Il s'agit notamment d'ouvrir les infrastructures sans entraver leur rythme de diffusion et d'innovation. Dès lors le contrôle et la tarification posent de redoutables problèmes, qui ont retardé la réalisation de cette infrastructure ouverte. Cela signifie que le pouvoir des oligopoles (anciens monopoles) reste suffisant pour entraver (ou ralentir) leur destruction réglementairement organisée.
Mondialisation et multiplication des produits viennent à bout de la régulation sectorielle administrée
La situation française, marquée par une implication très forte de l'Etat, est actuellement en cours de dislocation.
Le monopole en premier lieu est atteint. La concurrence d'abord internationale puis nationale rompt l'équilibre tarifaire. En effet, le service public se finance par un système de redistribution qui est déstabilisé par un écrémage des liaisons rentables (l'écrémage consiste pour un opérateur concurrent à n'offrir des services que sur une liaison à fort trafic en cassant les prix ; l'exploitant de service public ne peut plus dégager d'excédent sur cette ligne pour financer des lignes moins rentables). Or avec l'autorisation des Réseaux et Service à Valeur Ajouté (en 1987), puis avec la loi sur la réglementation sectorielle de 1990, le monopole est certes reconnu sur les "réseau public ouverts à des tiers", mais son omniprésence est remise en cause. Enfin l'ouverture à la concurrence de tous les segments du marché, impliquant la fin du monopole, est prévue pour 1998. Reste cependant une interrogation sur le nombre et l'origine des opérateurs accrédités pour l'offre des différents produits. Déjà des réseaux concurrents se développent (particulièrement pour la radiotéléphonie, mais aussi pour des usages internes aux entreprises), en utilisant notamment des liaisons spécialisées louées à l'opérateur. Une situation nouvelle se met en place avec un exploitant de service public sans monopole, et donc avec un financement radicalement différent. La difficulté de financement de l'égalité d'accès en situation de concurrence atteint même l'existence du service public. Le secteur se dualise avec des services professionnels différenciés en plein essor.
La réglementation nationale se met en accord avec les directives européennes qui, elles-mêmes, organisent une mondialisation du marché des télécommunications et une homogénéisation des régulations nationales. Les modèles nationaux particuliers tendent à disparaître. Se dirige-t-on vers une homogénéisation, ou bien des particularités nationales vont-elles subsister ? En effet l'Etat ne dispose plus que de moyens réduits pour mener une politique industrielle indépendante et volontariste12. Dans ce sens les relations de soutien réciproque de l'industriel national et de l'exploitant de réseau se disloquent. Dans une situation mondialisée multiproduit, les régularités ne semblent plus s'inscrire de façon déterminante au niveau national.
Progressivement, la demande intervient comme un élément moteur structurant, alors que le réseau téléphonique s'était essentiellement développé dans une logique d'offre indifférenciée. Les transformations sont directement liées à l'évolution du produit. D'un produit universel, standard-générique au sens de R. Salais (offre standard d'un produit répondant à des demandes identiques), on s'oriente vers une gamme de produits dont certains conservent la caractéristique standard-générique (le téléphone est couplé à de nouveaux services offerts par France Télécom dans une logique d'offre), et d'autres tendent vers une caractéristique spécialisée-dédiée (offre spécialisée d'un produit adapté à la demande), ce qui explique la multiplication des structures d'offre et l'adaptation des institutions sectorielles13. L'offre tend à se spécialiser pour dédier les services, c'est à dire fournir un service à un usage ou un usager particulier.
Un changement essentiel apparaît, car ce n'est plus l'opérateur de service public qui structure la norme de consommation. La maîtrise des projets multimédia (autoroutes de l'information) revient notamment à définir qui maîtrisera les normes de consommation à venir.
La compréhension, tant du succès historique du secteur français des télécommunications, que de ses difficultés actuelles, se dégage des analyses précédentes explicitant le régime de développement et les formes de la concurrence spécifiques. Pour aborder la régulation sectorielle il convient de caractériser le rapport salarial sectoriel, synthèse des différentes logiques à l'oeuvre.
Du modèle administré à l'impossible stabilisation du modèle de complémentarité : quel est L'avenir du rapport salarial sectoriel ?
L'efficacité productive inattendue de l'offre de services de télécommunications dans les années 1970 repose sur un rapport salarial14 que nous qualifions d'administré, en référence aux pratiques administratives qui encadrent la relation d'emploi, avec notamment l'application du statut de la fonction publique aux salariés du secteur. Ce modèle est remis en cause par la déréglementation internationale et la multiplication des services permise par l'évolution technique (numérisation du réseau). Il laisse alors place à un modèle de complémentarité, qui repose sur une complémentarité des compétences et des savoir-faire entre le fournisseur du réseau technique (France Télécom), et les offreurs de services indépendants, utilisateurs du réseau15. Mais ce modèle de l'universalité du réseau, appuyé par France Télécom, est actuellement déstabilisé par le décloisonnement progressif des savoir-faire en matière de réseau et de service, introduisant la concurrence jusque dans la constitution et l'exploitation des infrastructures.
Le rapport salarial administré, fondement de l'efficacité productive
Durant la période du rattrapage téléphonique, qui débute dans les années 70, le secteur fait preuve d'une efficacité jusqu'alors inconnue. Les raisons de cette efficacité nouvelle tiennent en trois points fondamentaux, qui associent étroitement structuration administrative et culture technique. L'évolution de l'organisation du travail, le pouvoir techniciste et la convention de croissance constituent les trois clés du rapport salarial, que nous développerons successivement. Le monopole d'exploitation du réseau et la nature du produit offert (le téléphone comme produit de masse indifférencié) sont constitutifs du rapport salarial administré.
L'organisation du travail évolue dans le sens d'une autonomisation et d'une responsabilisation des salariés
Alors que, durant la période pénurique, associée à la commutation manuelle, le contrôle hiérarchique direct représentait la seule forme d'incitation au travail pour la majeure partie des salariés du secteur, le gonflement des services techniques, lié à l'automatisation du réseau, inverse la tendance. Dès l'origine du réseau, la tradition d'indépendance et d'autonomie dans le travail est forte chez les techniciens qui ont en charge l'installation et la maintenance du réseau. Elle provient d'une part de l'éloignement géographique du travail (pour les services des lignes et des installations) et de l'incompétence technique de la hiérarchie issue de l'administration postale, et d'autre part de l'ascendance ouvrière de ces métiers à forte tradition syndicale. A l'opposé, les services d'exploitation manuelle (dont la mission est de mettre en relation manuellement deux abonnés) sont essentiellement composés de femmes sans qualification et sans tradition ouvrière ni syndicale, acceptant un travail routinier et déresponsabilisé par un contrôle incessant.
L'évolution des techniques de commutation opère donc un renversement de tendance. En devenant majoritaires, les agents des services techniques perpétuent, puis imposent progressivement leur mode de fonctionnement.
Le pouvoir techniciste
Le développement des services techniques est aussi l'occasion d'un reversement de pouvoir sur le secteur au profit des ingénieurs des télécommunications.
Apparition d'un pouvoir hiérarchique expert, expansion des services techniques, et contexte d'innovation technologique, se combinent pour transformer la règle dominante. L'objectif prioritaire de développement du réseau, affiché par le pouvoir technique et relayé par la base, devient la règle commune et supplante la règle hiérarchique antérieure16.
L'apparition d'une valeur commune, mobilisant les qualités professionnelles des agents, représente la base de l'efficacité du marché interne techniciste des télécommunications. France Télécom répond idéalement à la définition du marché interne du travail, marché du travail spécifique et fermé dans lequel un ensemble de règles définit les positions et les rémunérations de chacun des membres, ainsi que les perspectives d'évolution au sein du groupe17.
La convention de croissance
La formation des salaires chez France Télécom repose sur une règle administrative rigide, dissociée des gains de productivité. La déconnexion entre la progression des gains de productivité, élevée dans le secteur, et celle des salaires, relativement faible, associée à la rigidité à la baisse du volume de travail, est à l'origine d'une convention de travail originale, issue de la culture technique dominante : la convention de croissance. Alternative à la convention de chômage18, cette convention donne à la progression du champ d'activité sectorielle (le rattrapage dans un premier temps, puis le Minitel...) le rôle d'absorption des gains de productivité, et évite une réduction des besoins en travail, dans un contexte de rigidité à la baisse de l'emploi (absence de licenciement dans la fonction publique).
Cette première période est caractérisée par un rapport salarial administré, porteur d'une efficacité inattendue dans le cadre de la fourniture d'un service public. L'efficacité de l'association, a priori paradoxale, entre structuration administrative et domination culturelle technique, est explicitée par l'analyse en terme de rapport salarial sectoriel, qui fournit la base méthodologique d'une approche globale de la cohérence productive d'un service public de haute technologie, relevant d'une politique d'offre monopolistique.
De la complémentarité à la concurrence, des contours encore flous pour le nouveau rapport salarial sectoriel
La période post-rattrapage, depuis les années 1980, est marquée par la dualisation du secteur, induite par la multiplication des produits et l'apparition d'offreurs concurrents. L'introduction de la concurrence sur le marché des services de télécommunication revêt un caractère particulier : il ne s'agit pas d'une simple augmentation du nombre d'acteurs dans un cadre organisationnel inchangé, mais bien d'une modification globale de la structure d'offre, qui repose sur une dualisation de l'offre de services entre le centre, France Télécom qui fournit aussi l'infrastructure technique, et la périphérie, constituée de multiples offreurs de services indépendants, dans le cadre d'une complémentarité concurrentielle des savoir-faire de chacun des acteurs.
Marché interne, marché externe valorisé : des modes d'organisation contrastés
La dualisation du secteur oppose deux pôles principaux, dont les formes d'organisation apparaissent comme des modes d'efficacité complémentaires :
- d'un côté l'acteur central, fournissant notamment le service de base, le téléphone, et l'infrastructure technique de la plupart des autres réseaux de télécommunications, est caractérisé par ses compétences en matière de gestion de réseau et en matière de projets d'innovation technique de long terme. Le centre dispose donc de savoir-faire de régulation du réseau technique, basés sur le caractère administré des procédures de gestion dans le cadre d'un marché interne qui reste dominé par la culture technique, et de savoir-faire d'innovation de long terme. En terme d'organisation, on parle de "bureaucratie mécaniste"19 ;
- de l'autre côté une multitude de petits acteurs sont caractérisés par leur adaptabilité à la demande, et leur faculté d'innovation en matière d'offre de nouveaux services. La haute qualification des emplois des entreprises de la périphérie, mais aussi le haut niveau des salaires proposés, l'importance de la flexibilité externe (souplesse pour l'embauche et le licenciement), et l'organisation décentralisée du travail reposant sur des groupes "d'experts" ad hoc, sont les points clés des possibilités d'innovation et d'adaptation du secteur. On parle d'adhocratie20 pour caractériser ce marché externe valorisé.
Les deux pôles de l'offre (l'ancien monopole, d'un côté, les nouveaux offreurs de services de l'autre) aux traits contrastés, trouvent donc leur unité dans la complémentarité de leurs compétences, de leurs savoir-faire, et des formes organisationnelles qui les soutiennent.
Les caractéristiques du centre et de la périphérie :
de l'opposition à la complémentarité
Cette nouvelle structure organisationnelle de l'offre de services de télécommunication impose une redéfinition du rapport salarial sectoriel. La première période étudiée, celle du rattrapage téléphonique, avait abouti à la caractérisation d'un rapport salarial administré. La seconde, celle du post-rattrapage, aboutit à la caractérisation d'un rapport salarial de complémentarité, justifié par le cloisonnement des compétences en matière de réseau et de services, mais déjà remis en cause par les possibilités d'acquisition des savoir-faire nécessaires. La question qui se pose alors, au-delà du contexte du marché des services de télécommunications, est celle de l'évolution suivie par France Télécom, dont l'identité et la mission sont très profondément déstabilisées.
Réformes de France Télécom et maîtrise des contraintes
Le but affiché de la réforme de 199021 est de permettre à France Télécom d'aborder une logique d'entreprise en ce qui concerne la gestion financière et les rapports à la concurrence. Dans le même temps, la réforme maintient la tutelle publique, et le personnel reste attaché au statut de la fonction publique. Parallèlement, les nouvelles règles de gestion du personnel et la réforme des classifications (Loi du 9 juillet 1990) transforment en profondeur les règles administratives du statut de la fonction publique. En terme de rapport salarial sectoriel, la question est celle de l'impact de ces réformes sur les pratiques de travail et la relation d'emploi, dans ce cadre rénové de la fonction publique.
L'organisation du travail n'est pas directement affectée par les réformes, dans le sens où elle n'est pas en cause dans les textes. Il apparaît cependant une tendance à une réduction de l'autonomie par une rationalisation du cadre administré des règles de travail. A l'opposé, la réforme de l'organisation interne tend à réduire la ligne hiérarchique. Plus généralement, la tradition d'autonomie dans le travail, qui caractérisait la période faste du rattrapage, se voit remise en cause dans un contexte de transformations majeures de l'organisation et de sa place sur le marché des télécommunications, et donc de révolution culturelle profonde et non achevée. Il apparaît que certains services commerciaux sont à l'origine d'innovations dans les pratiques de travail, prenant ainsi le relais des techniciens. Le développement d'un savoir-faire commercial de plus en plus étendu contribue à déstabiliser l'organisation et les règles internes22. Les sentiments d'inquiétude et de morosité du personnel semblent caractéristiques de cette période de rupture, et peuvent remettre en cause la mobilisation et l'investissement individuel.
La mobilité interne et la gestion des qualifications sont, par contre, directement affectées par les réformes, qui apparaissent comme une rupture profonde avec la gestion administrative. Le passage d'une logique de grades à une logique de fonctions exercées permet la prise en compte de l'expérience et des savoir-faire réellement acquis. La mobilité interne ne repose donc plus sur des principes administratifs, mais en théorie au moins, sur la qualité effective du travail, définie avec la hiérarchie lors "d'entretiens de progrès" annuels. Ce point est fondamental dans la révolution culturelle en cours et, même si le principe est globalement approuvé, conforte l'inquiétude du personnel.
Les règles administratives de formation des salaires ne sont affectées qu'indirectement par les réformes, avec la transformation des principes d'évolution de carrière au sein de France Télécom. Un indice reste affecté à chaque fonction (et non plus à chaque grade).
La mutation post-rattrapage marque donc la remise en cause du marché interne techniciste et du rapport salarial administré, même si les pratiques administratives restent, sur certains points, importantes. Les questions primordiales ont désormais trait aux missions accordées à France Télécom, notamment en ce qui concerne les missions de service public, et à la stratégie de l'acteur pour se positionner sur les différents marchés et aborder les différents défis. En d'autres termes, existe-t-il encore un espace pour la convention de croissance (autoroutes de l'information, multimédia, fibre optique), et donc un pouvoir (capture de la réglementation, subventions croisées...) du centre sur le secteur. L'enjeu interne est celui de la recomposition culturelle et de la valorisation des compétences existantes, dans le cadre de la mutation du marché des télécommunications.
Le changement de la nature des produits, et l'ouverture réglementaire du marché transforment radicalement les métiers et l'organisation qui les met en oeuvre. France Télécom, exploitant encore dominant aujourd'hui, doit révolutionner sa stratégie industrielle pour proposer un projet, résistant à ces nouvelles contraintes, alliant le financement du service public et la réalisation de services dédiés.
Pistes d'analyse pour l'avenir
A travers les deux périodes étudiées, on a pu mettre en évidence la trajectoire de la régulation sectorielle des télécommunications, résumée dans le tableau ci-dessous. Les transformations en cours n'ont pas encore débouché sur des éléments stabilisés, mais notre grille d'analyse permet de détecter des pistes pour l'avenir.
(*) Sachant que les choix politiques sont encore ouverts (Cf. Thomas Lamarche, "Quelle trajectoire pour les réseaux de télécommunications en France ? Trois politiques pour trois scénarios", Terminal, n° 66, 1994.)
L'unité du secteur repose encore aujourd'hui sur la complémentarité des deux pôles de l'offre : le centre fournit les services de base et la gestion technique des réseaux, alors que la périphérie propose les services plus différenciés, adaptés aux demandes spécifiques nouvelles. Cette complémentarité est de plus en plus conflictuelle, car les domaines respectifs des deux pôles ne sont pas imperméables, et évoluent en fonction des possibilités d'acquisition et de valorisation des savoir-faire nécessaires.
La complexité des savoir-faire (non seulement techniques mais aussi en matière d'organisation et d'innovation de produit), et l'ampleur des investissements nécessaires induisent des processus de coopération déjà clairement identifiés23. La complémentarité que l'on a constatée sur la période post-rattrapage se faisait selon un modèle de répartition des tâches qui limitait la conflictualité des opérateurs, car France Télécom restait le seul opérateur fournissant l'infrastructure. L'ouverture à la concurrence de pratiquement tous les marchés de télécommunications (y compris l'infrastructure) détruit le modèle de complémentarité. Des opérateurs investissent en force de domaines tels que les radio-mobiles, les réseaux câblés... et se rapprochent des opérateurs traditionnels de télécommunications en terme de compétences disponibles notamment. Une pluralité de réseaux tend donc à se développer. Pour supporter les coûts liés à la constitution de réseaux techniques concurrents, la coopération interfirme est une stratégie qui se généralise. Elle est moins liée à une question de disponibilité des savoir-faire, qu'à une question de taille et de capacité de financement.
Sous la contrainte des directives européennes, elles-mêmes subissant une puissante pression en faveur de la concurrence, la complémentarité éclate pour se transformer en une confrontation entre opérateurs de réseaux, ou entre groupement, parfois transitoires, d'opérateurs concurrents.

Notes

  1. Voir dans ce sens les travaux de Christian du Tertre, Technologie, flexibilité, emploi. Une approche sectorielle du post-taylorisme, Logiques Economiques, L'Harmattan, 1989. Voir aussi, du même auteur, les chapitres 31 et 32 de l'ouvrage dirigé par Boyer et Saillard
  2. Les analyses de la première partie de l'article résultent de Thomas Lamarche, Réseau universel et réseaux spécifiques, fondements et métamorphose des stratégies d'offre de télécommunication, Thèse de Doctorat de sciences économiques, Université Paris 7, 1993.
  3. Cela signifie que les coûts moyens étant décroissants, la concurrence est alors impraticable. Voir les travaux fondateurs de William W. Sharkey, The theory of natural monopoly, Press Syndicate of the University of Cambridge, 1982 ; l'essentiel de l'économie des télécommunications est analysé dans Nicolas Curien, Michel Gensollen, Economie des télécommunications, ENSPTT, Economica, 1992.
  4. Voir les terminologies recensées par Robert Boyer, Les problématiques de la régulation face aux spécificités sectorielles, Cahiers d'économie et sociologie rurales, n° 17, 1990.
  5. Voir l'historique de Louis-Joseph Libois, Genèse et croissance des télécommunications, collection CNET-ENST, Masson, 1983.
  6. Voir Eli M. Noam, A theory for the instability of public telecommunications system, in Cristiano Antonelli (Ed), The economics of information networks, North-Holland, 1992.
  7. Voir la caractérisation de "colbertisme high tech" proposée par Elie Cohen, Le colbertisme "high tech". Economie des Telecom et du grand projet, Hachette, 1992.
  8. Le mouvement de mondialisation est un élément que l'on retrouve largement, en dehors des télécommunications, comme dominante des changements en cours, voir François Chesnais, La mondialisation du capital, Syros, 1994.
  9. Voir par exemple le livre de Jacques Darmon, Le grand dérangement, JC Lattès, 1985, et les projets de déréglementation de Gérard Longuet, Ministre des PTT de 1986 à 1988.
  10. Cependant la taille des opérateurs européens est inférieure à celle des opérateurs américains : 10 des 15 plus gros exploitants mondiaux sont américains.
  11. Réglementation Open Network Architecture (Etats-Unis) et Open Network Provision (Europe).
  12. Politique qui réapparaît cependant dans la rapport de Gérard Théry au Premier Ministre (Les autoroutes de l'information, La documentation française, 1994).
  13. Voir les travaux de Robert Salais et Michael Storper qui lient les formes de la production aux caractéristiques des produits considérés selon la double perspective de la demande et de l'offre (Les mondes de production, Editions de l'EHESS, 1993).
  14. Les cinq configurations institutionnelles du rapport salarial, définies par Robert Boyer (La flexibilité du travail en Europe, La Découverte, 1986) sont les suivantes : organisation du travail, stratification des qualifications, mobilité du travail, formation des salaires et style de vie et de consommation. Nous n'analysons pas le dernier point, inadapté à une analyse sectorielle.
  15. L'analyse du rapport salarial des télécommunications et sa conceptualisation sont issues des travaux de Catherine Bodet, Emploi et organisation des télécommunications : transformation du rapport salarial sectoriel, Doctorat de Sciences Economiques, Université Paris 7, 1995.
  16. Voir les travaux de la sociologie des organisations : Claude Giraud, Bureaucratie et changement, le cas de l'administration des télécommunications, Logiques sociales, L'Harmattan, 1987.
  17. Voir la définition du marché interne du travail donnée par Piore et Doeringer, Internal labor market and manpower analysis, Heath, Lexington, 1971.
  18. L'analyse économique des conventions du travail permet de mettre en évidence l'existence de règles, acceptées par tous les acteurs, et qui tirent leur efficacité de leur stabilité. Selon Robert Salais, (L'analyse économique des conventions du travail, Revue économique, vol. 40, n° 2, mars 1989), convention de productivité et convention de chômage sont les deux types de convention permettant de décrire la mise au travail.
  19. Selon la terminologie issue des travaux de Henry Mintzberg (Structure in fives : designing effective organizations, Prentice Hall, 1983), que l'on trouve présentés par Claude Ménard, dans L'économie des organisations, Repères, La Découverte, 1990.
  20. Idem.
  21. La loi du 2 juillet 1990, applicable au 1er janvier 1991, modifie le statut de France Télécom qui devient exploitant de droit public, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
  22. Cf. Norbert Alter, "Service public et action commerciale : le dilemme organisationnel des télécommunications", Sociologie du travail, n° 3, 1989.
  23. Voir par exemple Catherine Bodet, Denis Joram, Thomas Lamarche, "Savoir-faire et structure de marché des services de télécommunication : partenariat, domination et concurrence", Note technique CNET, avril 1990.